Relier les continents : faire progresser l’agenda de l’innovation UA-UE par une collaboration stratégique au GITEX Maroc 2025
Par Tendai Pasipamire, Responsable des partenariats et du développement commercial, Enrich in Africa Center
Un point de vue unique : des perspectives multiples, une vision unifiée
Le GITEX Maroc 2025 a offert une occasion exceptionnelle d’observer le paysage de l’innovation Afrique-Europe à travers plusieurs prismes simultanément. En tant que Responsable du développement commercial pour Enrich in Africa Center, j’ai eu le privilège de représenter deux initiatives complémentaires financées par la Commission européenne — SEADE (Renforcement de l’écosystème numérique Europe-Afrique) et AEIP 2.0 (Plateforme d’innovation Union africaine-Union européenne) — et de partager un espace d’exposition avec EuroAxxes, aux côtés d’Andrea Stemler, consultante senior en suivi-évaluation et coopération internationale (Technopolis Africa), et d’Ahmed Maalel, PhD, représentant régional d’EURAXESS Africa, tout en modérant des discussions cruciales sur le rôle de l’intelligence artificielle dans le renforcement de la recherche et de l’innovation au carrefour Afrique-Europe.
Cet engagement multidimensionnel a offert une compréhension sans précédent du rôle du Maroc dans la transformation numérique du continent, ainsi que des dynamiques évolutives de la coopération en matière d’innovation entre l’UA et l’UE. L’expérience a mis en lumière comment la convergence stratégique d’initiatives complémentaires peut amplifier les impacts et générer des synergies pour faire avancer les objectifs communs dans l’écosystème de l’innovation.
Agrégation de l’écosystème africain des startups, financements, politiques et soutien R&D&I au GITEX Africa 2025
Lors du GITEX Africa Maroc 2025, l’agrégation des écosystèmes africains des startups, du financement, des politiques et du soutien à la recherche et à l’innovation a révélé un continent en pleine transition — ambitieux, conscient de lui-même, et de plus en plus interconnecté. La convergence d’innovateurs francophones et anglophones a mis en lumière une génération d’entrepreneurs résilients face aux contraintes d’infrastructure, co-créant des solutions allant des outils éducatifs en arabe basés sur l’IA aux applications blockchain pour les paiements transfrontaliers. Plus qu’un simple salon technologique, GITEX a servi de laboratoire vivant pour l’évaluation des besoins d’AEIP 2.0, livrable clé du projet. Cet exercice a révélé des goulets d’étranglement transnationaux, comme le fossé persistant entre la recherche et le marché en Afrique francophone, tout en exposant l’écart entre les besoins réels des parties prenantes et les hypothèses imposées de l’extérieur. Ces observations ont conduit à une refonte de l’approche d’AEIP 2.0 — passant d’une logique technologique à une démarche centrée sur les besoins des utilisateurs.
La présence de fonds d’investissement à risque et de bailleurs de développement a renforcé l’alignement croissant autour de la résolution de la complexité des investissements transfrontaliers, alors que les modèles traditionnels d’aide au développement sont remis en question et que monte la demande pour des cadres de partenariat reflétant l’évolution de l’écosystème technologique africain.
Une analyse plus fine des acteurs présents a révélé des intérêts convergents. Les représentants gouvernementaux et politiques ont mis l’accent sur la transformation numérique et le renforcement des capacités par le transfert de technologies, tandis que les décideurs européens recherchaient des mécanismes de partenariat évolutifs. Les institutions de recherche montraient des forces contrastées : les centres établis bénéficiaient d’une excellence académique mais manquaient d’expérience en commercialisation, tandis que les pôles émergents étaient agiles mais avaient besoin d’un soutien structurel — soulignant la pertinence des activités de jumelage de SEADE.
Le dialogue avec le secteur privé a fait le pont entre impératifs locaux et mondiaux, avec des startups africaines offrant une compréhension fine du contexte local, et des multinationales explorant des approches responsables d’entrée sur le marché. Les structures de soutien à l’innovation ont émergé comme des connecteurs stratégiques, disposant de la confiance et des réseaux nécessaires pour ancrer les initiatives financées par l’UE dans les communautés locales. Toutefois, la sous-représentation des organisations civiques, malgré leur engagement actif, a souligné l’urgence de stratégies plus inclusives — un objectif central de la mission d’AEIP pour favoriser des écosystèmes d’innovation durables, inclusifs et localement portés.
Synergies de projets en action : des forces complémentaires pour un impact renforcé

Tendai Pasipamire et Andrea Stemler à Gitex Africa
La co-localisation de SEADE, AEIP et EuroAxxes dans le pavillon du Conseil européen de l’innovation a permis de démontrer concrètement comment des initiatives complémentaires peuvent travailler de concert. Ces projets, loin d’entrer en concurrence, ont fonctionné comme un système de soutien intégré. Chaque initiative a apporté ses atouts spécifiques, offrant aux visiteurs une assistance complète sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’innovation.
J’ai vu un chercheur rwandais en biotechnologie passer naturellement de discussions sur le transfert de technologie avec l’équipe SEADE à des échanges sur la mobilité des chercheurs avec EuroAxxes Africa, avant de finaliser des partenariats à travers le cadre collaboratif d’AEIP. Ce processus n’était pas orchestré : il a émergé spontanément, car les besoins complexes des parties prenantes dépassaient le périmètre d’une seule initiative.
La méthodologie d’évaluation des besoins de l’AEIP 2.0 a révolutionné les approches d’évaluation traditionnelles en intégrant les activités d’évaluation dans des conversations authentiques en réseau, capturant les besoins des utilisateurs en temps réel alors que les parties prenantes résolvaient des défis de collaboration réels. Cette approche organique a révélé que les parties prenantes africaines recherchaient fondamentalement une fonctionnalité de plateforme qui améliorait plutôt que remplaçait leurs réseaux informels et leurs stratégies de collaboration existants, rejetant les flux de travail imposés au profit d’outils qui soutenaient les pratiques indigènes. L’évaluation a mis en évidence une lassitude généralisée à l’égard des plateformes eurocentriques qui privilégiaient les exigences institutionnelles au détriment de l’expérience des utilisateurs africains, et a documenté les obstacles spécifiques qui ont inspiré les spécifications de conception centrées sur l’utilisateur de l’AEIP 2.0. Parallèlement, les capacités de méta-plateforme de l’AEIP se sont révélées essentielles lors des exercices de cartographie des parties prenantes, sa capacité unique à connecter divers acteurs de l’écosystème de l’innovation s’avérant inestimable pour relever des défis complexes impliquant de multiples parties prenantes et faciliter des partenariats prometteurs entre les institutions de recherche européennes et les entrepreneurs africains.
Les synergies ont dépassé les capacités des projets individuels. La présence combinée a démontré l’approche globale de l’UE en matière de coopération Afrique-Europe, en montrant comment différentes initiatives abordent des aspects complémentaires du défi de l’innovation. Cette présentation intégrée a renforcé la crédibilité et a fourni aux parties prenantes des voies claires pour s’engager à travers de multiples points de contact.

“ “Le GITEX Maroc 2025 a démontré le potentiel transformateur d’une collaboration stratégique lorsque des initiatives complémentaires œuvrent de concert pour des objectifs communs.” „
Panels sur l’intelligence artificielle : catalyseur de collaboration UA-UE en recherche et innovation
En modérant deux panels sur l’intelligence artificielle et son rôle dans la collaboration Afrique-Europe en recherche, j’ai pu approfondir les opportunités et défis de l’écosystème de l’innovation.
1. Partage d’expériences : l’IA dans la R&I et leçons tirées de l’agenda de l’innovation UA-UE
Le panel co-modéré par Andrea Stemler a mis en avant des exemples percutants d’intégration réussie de l’IA, avec les startups suivantes financées par la CE :
- Golden Nhunhama (eAgro, Zimbabwe) : IA pour l’agriculture
- Hicham el Attar (Datapathology, Tunisie) : IA médicale pour transformer la pathologie
- Nikhil Mandrekar (The Carbon Games, Portugal) : IA dans le jeu vidéo pour l’innovation climatique et comportementale
Les échanges ont montré que la réussite de la collaboration en IA repose sur des relations humaines authentiques et la confiance institutionnelle, plutôt que sur une approche purement technologique. Néanmoins, des obstacles structurels persistent, comme des cycles de financement mal adaptés, une gouvernance des données incompatible entre pays, et le besoin de solutions IA adaptées à des contextes contraints.
2. Café réseautage IA : faciliter le jumelage et la collaboration
Le format café a été particulièrement efficace pour créer des dialogues concrets entre les panélistes et les participants. Contrairement aux panels classiques, cette approche a favorisé des échanges informels menant à des engagements de partenariat. Plusieurs pistes prometteuses ont émergé : projets de recherche conjoints, programmes d’échange de chercheurs, initiatives de transfert de technologies.
Les participants ont insisté sur la nécessité de plateformes de mise en relation durables. Cette recommandation a directement nourri les priorités de développement d’AEIP.
Impact et résultats : des collaborations en émergence
La présence stratégique de plusieurs initiatives financées par l’UE au GITEX Maroc 2025 a permis d’atteindre des résultats mesurables et de faire avancer les objectifs de chaque projet, tout en contribuant à l’agenda UA-UE.
Résultats immédiats
- Multiples nouveaux contacts parmi les gouvernements, universités et acteurs du secteur privé.
Avancées pour AEIP
- Cartographie détaillée des parties prenantes et clarification des fonctionnalités requises pour la plateforme.
- Début de discussions sur l’intégration avec d’autres plateformes existantes.
Synergies inter-projets
- Opportunités de programmation conjointe : par exemple, le renforcement des capacités numériques de SEADE pourrait soutenir la préparation de la plateforme AEIP.
- Réseaux de chercheurs EuroAxxes utiles aux objectifs de développement du capital humain.
Recommandations stratégiques : renforcer les interfaces UA-UE
Pour les initiatives financées par l’UE :
- Renforcement de la coordination : capitaliser sur le modèle réussi du pavillon EIC pour instaurer des mécanismes de coordination permanents.
- Engagement des parties prenantes : privilégier une présence continue dans les marchés africains prioritaires, via des partenariats locaux.
- Intégration des plateformes numériques : assurer l’interopérabilité entre les plateformes SEADE, AEIP et EuroAxxes.
Conclusion : construire des ponts par la collaboration stratégique
Le GITEX Maroc 2025 a démontré le potentiel transformateur d’une collaboration stratégique lorsque des initiatives complémentaires œuvrent de concert pour des objectifs communs. La convergence de SEADE, AEIP et EuroAxxes dans le pavillon du CEI a produit des synergies qui ont amplifié les impacts de chaque projet tout en faisant avancer l’agenda commun UA-UE.
Les enseignements de GITEX orienteront les ajustements programmatiques des trois initiatives et enrichiront la compréhension de ce qui rend la collaboration Afrique-Europe efficace. Les partenariats initiés illustrent la valeur durable d’une présence stratégique dans les événements régionaux clés.
Le chemin à venir requiert un engagement soutenu envers les principes démontrés à GITEX : respect des priorités locales, inclusion réelle et reconnaissance que l’innovation prospère à travers des partenariats authentiques, loin des logiques traditionnelles de donateurs-bénéficiaires. Sur cette base, les initiatives financées par l’UE peuvent contribuer de manière significative aux ambitions africaines en matière d’innovation et renforcer les liens qui unissent nos continents vers une prospérité partagée.